Quand on pressent l’entrevoyure

Voyage dans l’espace et le temps

Lorsque j’ai commencé cette série, je venais de changer de vie et de région. J’étais totalement perturbée dans tous mes repères physiques, géographiques et psychiques.
M’est alors venue l’idée de mettre en images ce « voyage mental débridé » avec des couches mémorielles sans dessus-dessous, sans droite ni gauche, sans avant ni après, mais néanmoins existant.
L’idée aussi de confronter le spectateur à mon propre voyage – une réalité de l’absurde – qui au-delà du personnel touche aussi à l’universel.
« Enfin, dit Camus, c’est la certitude de la mort, ce « coté élémentaire et définitif de l’aventure » qui nous en révèle l’absurdité »
«  Je tire de l’absurde, dit-il plus loin, trois conséquences qui sont ma révolte, ma liberté, ma passion. Par le seul jeu de ma conscience, je transforme en règle de vie ce qui était invitation à la mort. »
J’ai donc traversé « la terre de part en part », par un jeu de couches et de tissages d’images – de la carte du territoire aux planches du cerveau humain en passant par des photos anciennes de nos ancêtres.
Voyage de nos vies au-delà de l’absurde.
« Et je suis ressortie parmi ces gens qui marchent la tête en bas »….dans une déraison assumée.

Mais c’est aussi un voyage de l’intime.
Voyager dans l’intime, c’est creuser le corps et l’esprit, aller au cœur du corps et de l’esprit, traverser des strates de terres silencieuses, opaques, malicieuses, dangereuses, difficiles, drôles, émouvantes, inquiétantes.
Voyager dans l’intime, ce n’est pas se complaire dans la nostalgie, c’est se nourrir du passé, de la mémoire pour se réinventer et réinventer le monde.
C’est «  l’espace du dedans » comme l’écrit si bien Henri Michaux, mais il n’a de sens que s’il est partagé, offert.
Et c’est dans le silence des secrets que l’intime prend forme et s’expose.
C’est dans le regard des autres qu’il s’absorbe et se transforme.
C’est libéré qu’il peut vivre.
C’est alors seulement qu’il touche à l’universel.